je suis en train d'écrire une lettre au pape, rien que ça.
la prochaine fois je vise les étoiles
comment ça s'est passé,
ma découverte du pied nu est venu éveiller en moi une sensibilité écologique que je ne me connaissais pas.
dans le même temps, le pape François a rédigé un document de 200 pages très écolo sur "la sauvegarde de la maison commune"
que vous pouvez lire ici :
http://www.reporterre.net/IMG/pdf/encyclique_franc_ois_en_franc_ais.pdf
par curiosité je l'ai lu, (même si ma sensibilité catholique, elle, enfin bref, ça n'est pas la question)
j'ai été surpris de constater qu'il allait beaucoup plus que ce que j'aurais pu imaginer
(il fait un constat lucide de la crise écologique, n'hésite pas à parler de décroissance, des tribus, et évoquer l'imposture de la modernité)
des fois on a presque l'impression de lire des discours cherokee ou apaches
je regrette qu'il n'aille pas plus loin sur la question de l'élevage industriel.
en en discutant en famille, on m'a soufflé l'idée de lui écrire un document en reprenant les éléments que j'avais déjà pu développé sur mon blog.
ça m'a fait rigoler, puis au bout de quelques semaines, l'idée a commencé à me plaire.
pour mémoire j'avais déjà écrit ça :
https://mytrailtosanfrancisco.wordpress.com/2014/04/20/besopie/
j'ai organisé la chose comme ceci :
1. référence aux textes bibliques, pour justifier mes idées. c'est ce qu'il a fait dans son livre pour justifier son message écolo
2. citation des passages de son livre pouvant avoir un rapport avec mon argumentaire
3. inviter le pape François à se déchausser pour un exemple fort et mondial de simplicité heureuse, à l'image de son saint patron François d'Assise
j'utilise son vocabulaire et sa manière de formuler les idées.
je vous copie colle mon travail,
vos critiques sont les bienvenues, si vous avez des idées, etc, ...
(svp, il ne s'agit pas d'un débat sur la foi ni sur la religion catholique, je précise tout de suite, on est pas là pour ça)
il s'agit d'un document sembable au sien, que j'accompagnerai d'une lettre d'introduction, avec toutes les formules de politesse nécessaires, tatati tatata...
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Le pied nu, une interface primordiale entre l’Homme et la maison commune.
Manifeste pour une célébration heureuse du corps, de l’esprit et de l’environnement.
I/ L’évangile du pied nu
Exode 3.5 Dieu dit: Ôte tes souliers de tes pieds, car le lieu sur lequel tu te tiens est une terre sainte.
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Luc 10
10.1 Après cela, le Seigneur désigna encore soixante-dix autres disciples, et il les envoya deux à deux devant lui dans toutes les villes et dans tous les lieux où lui-même devait aller
10.4 Ne portez ni bourse, ni sac, ni souliers, et ne saluez personne en chemin.
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Marc 6
6.7 Alors il appela les douze, et il commença à les envoyer deux à deux, en leur donnant pouvoir sur les esprits impurs.
6.8 Il leur prescrivit de ne rien prendre pour le voyage, si ce n'est un bâton; de n'avoir ni pain, ni sac, ni monnaie dans la ceinture;
6.9 de chausser des sandales, et de ne pas revêtir deux tuniques.
Le fils de Dieu invite ses disciples à évangéliser le monde en emportant avec eux le moins d’équipement possible : sans souliers selon Luc, et tout au plus avec de simples sandales pour Marc.
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II/ Lettre encyclique
Laudato si’ sur la sauvegarde de la maison commune
L’exemple de Saint François d’Assise
L’encyclique Laudato si’ fait appel à la figure de Saint François d’Assise, homme de foi qui « a manifesté une attention particulière envers la création de Dieu ». On sait que Saint François allait pieds nus aussi souvent que possible. Aujourd’hui également, les Franciscains sont invités à vivre pieds nus, « et que ceux qui sont contraints par la nécessité, puissent porter des chaussures ».
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Plusieurs passages de la lettre encyclique Laudato si’ répondent directement ou indirectement à l’importance d’une expérience sans protection aux pieds.
11. Son disciple saint Bonaventure rapportait que, « considérant que toutes les choses ont une origine commune, il se sentait rempli d’une tendresse encore plus grande et il appelait les créatures, aussi petites soient-elles, du nom de frère ou de sœur». Cette conviction ne peut être considérée avec mépris comme un romantisme irrationnel, car elle a des conséquences sur les opinions qui déterminent notre comportement. Si nous nous approchons de la nature et de l’environnement sans cette ouverture à l’étonnement et à l’émerveillement, si nous ne parlons plus le langage de la fraternité et de la beauté dans notre relation avec le monde, nos attitudes seront celles du dominateur, du consommateur ou du pur exploiteur de ressources, incapable de fixer des limites à ses intérêts immédiats. En revanche, si nous nous sentons intimement unis à tout ce qui existe, la sobriété et le souci de protection jailliront spontanément. La pauvreté et l’austérité de saint François n’étaient pas un ascétisme purement extérieur, mais quelque chose de plus radical : un renoncement à transformer la réalité en pur objet d'usage et de domination.
Le port de la chaussure affecte directement notre manière de comprendre le corps mais également notre environnement. De ce fait, la chaussure a des conséquences sur les opinions qui déterminent notre comportement. La protection du pied depuis sa plus tendre enfance fait croire à l’homme chaussé que la maison commune est une menace dont il faudrait constamment se défendre, se protéger. Cette peur injustifiée le pousse à vouloir dominer, contrôler, transformer et exploiter cette planète qu’il considère dangereuse et sauvage.
Au contraire, l’homme qui a grandi sans chaussures à ses pieds sait combien cette maison commune est un jardin doux et généreux, source de plaisirs sensoriels, nécessaires au bien-être, et qu’il faut constamment cultiver. Sans protection à ses pieds, il apprend instinctivement et naturellement à s’adapter à la réalité au lieu de vouloir la transformer.
« Seul l’homme blanc trouvait la nature "sauvage", et pour lui seul la terre était "infestée d’animaux sauvages" et de "peuplades sauvages". A nous la terre paraissait douce ; nous étions comblés des bienfaits du Grand Mystère. » - Standing Bear
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155. L’écologie humaine implique aussi quelque chose de très profond : la relation de la vie de l’être humain avec la loi morale inscrite dans sa propre nature, relation nécessaire pour pouvoir créer un environnement plus digne. Benoît XVI affirmait qu’il existe une ‘‘écologie de l’homme’’ parce que «l’homme aussi possède une nature qu’il doit respecter et qu’il ne peut manipuler à volonté ».
Dans ce sens, il faut reconnaître que notre propre corps nous met en relation directe avec l’environnement et avec les autres êtres vivants. L’acceptation de son propre corps comme don de Dieu est nécessaire pour accueillir et pour accepter le monde tout entier comme don du Père et maison commune ; tandis qu’une logique de domination sur son propre corps devient une logique, parfois subtile, de domination sur la création. Apprendre à recevoir son propre corps, à en prendre soin et à en respecter les significations, est essentiel pour une vraie écologie humaine.
La relation avec l’environnement est directe uniquement lorsqu’aucune protection ne vient interférer entre le corps et la création. Marcher en chaussures c’est s’autoriser à dominer le corps et à piétiner la création, c’est s’autoriser à faire abstraction de la réalité, l’ignorer. Au contraire, marcher pieds nus, c’est s’obliger à épouser le chemin, le prendre en considération, le comprendre, progresser avec lui. Prendre pleinement conscience de soi et de la maison commune à chacun de ses pas.
Afin de respecter pleinement les significations du corps, il convient de cultiver les sensations qu’il nous offre, et de jouir du monde au quotidien à l’aide des milliers de terminaisons nerveuses que possèdent les plantes des pieds. Recevoir son propre corps et en prendre soin, en le vivant pleinement, intégralement, intelligemment, consciemment.
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200. De toute façon, il faudra inviter les croyants à être cohérents avec leur propre foi et à ne pas la contredire par leurs actions.
Les paroles de Dieu à Moïse ainsi que celles de Jésus à ses disciples sont des invitations évidentes à nous déchausser et à vivre la simplicité choisie par Saint François.
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203. Étant donné que le marché tend à créer un mécanisme consumériste compulsif pour placer ses produits, les personnes finissent par être submergées, dans une spirale d’achats et de dépenses inutiles. Le consumérisme obsessif est le reflet subjectif du paradigme techno-économique. Il arrive ce que Romano Guardini signalait déjà : l’être humain «accepte les choses usuelles et les formes de la vie telles qu’elles lui sont imposées par les plans rationnels et les produits normalisés de la machine et, dans l’ensemble, il le fait avec l’impression que tout cela est raisonnable et juste». Ce paradigme fait croire à tous qu’ils sont libres, tant qu’ils ont une soi-disant liberté pour consommer.
Le marketing intensif, le mimétisme social, les codes d’une société dite « civilisée », nous font croire que le port de la chaussure est raisonnable et juste, et que le pied nu est une affaire de pauvres vivant dans la souffrance et le besoin.
Par chance, des personnages contemporains hauts en couleur viennent nous rappeler que le pied nu est une joie au quotidien, et que la chaussure reste avant tout une prison et pour le corps et pour l’esprit, une obligation à consommer que nous impose une société qui repose sur l’apparence et sur le produit de consommation.
Ken Bob Saxton montre à travers son parcours combien le pied nu est une fête, une célébration du corps et de l’esprit. Depuis 30 ans il vit et court pieds nus, pour le simple plaisir d’utiliser son corps de la manière la plus humaine et la plus complète qui soit. C’est une approche sage et holistique du corps qu’il nous propose :
“We have senses to make the everyday things we do less dangerous and painful. To ignore them is to live, and run, senselessly!”“Health isn’t about tricking yourself. True health is about discovering yourself!”“Have fun!”Le pied nu a la capacité naturelle d’aller partout, notre société moderne l’a oublié. A cause de la chaussure, le pied s’affaiblit et le comportement devient malhabile : plus l’Homme se chausse et moins il est capable de vivre sans chaussure. L’homme chaussé prisonnier de sa chaussure est une allégorie évidente de l’homme moderne prisonnier de sa propre technologie.
Au-delà de sa dimension symbolique, la pratique régulière du pied nu est nécessaire à la bonne santé, physique, morale et psychique. La médecine asiatique (entre autres) l’a compris depuis plusieurs millénaires et des populations entières sont invitées à se promener tous les matins sur des sentiers de galets.
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215. Prêter attention à la beauté, et l’aimer, nous aide à sortir du pragmatisme utilitariste. Quand quelqu’un n’apprend pas à s’arrêter pour observer et pour évaluer ce qui est beau, il n’est pas étonnant que tout devienne pour lui objet d’usage et d’abus sans scrupule. En même temps, si l’on veut obtenir des changements profonds, il faut garder présent à l’esprit que les paradigmes de la pensée influent réellement sur les comportements. L’éducation sera inefficace, et ses efforts seront vains, si elle n’essaie pas aussi de répandre un nouveau paradigme concernant l’être humain, la vie, la société et la relation avec la nature. Autrement, le paradigme consumériste, transmis par les moyens de communication sociale et les engrenages efficaces du marché, continuera de progresser.
Inviter les enfants à vivre pleinement l’expérience pied nu permettra de créer une génération plus sensible à la dimension sacrée de la maison commune. Le magnifique texte du directeur d’école Angelo Patri, Give your youngster chance to go barefoot (1932, New York) dit très bien les choses :
“When you feel the cool grass under your bare feet something in you sings and a bit of the load drops off. When the sweet breeze off the sea or the mountain brushes across your face you are soothed and comforted and inspired in thought the breath of life had been breathed into you once more. When the perfume of the flowers, the color of the world comes to you, a glad feeling rises without pulling you up and up beyond the reach of the sordid earth.
These feelings are not to be despised. Rather they are to be cultivated. They are the food of the creative imagination which is the force that makes life beautiful for the human inhabitants of this world. Before you can create you must feel and feeling arises out of the use of the senses. When we ignore a child’s craving for pleasant feelings we stunt his spiritual growth. Starving his emotional being leaves him to the mercy of his crude senses, his devouring appetites.”
III/ Un Pape aux pieds nus
Un Pape aux pieds nus serait un symbole particulièrement fort face à cette société d’ultra-consommation, il permettrait d’affirmer au monde entier que le pied nu n’est pas un acte pénitent ni mortifère, mais une expérience complète du corps, de la vie et de la création, une expérience sensorielle, ludique et heureuse. Il permettrait d’affirmer qu’une sobriété heureuse est possible.
Sur le modèle des Franciscains, il ne s’agit à aucun moment de refuser la chaussure à ceux qui en ont besoin (saisons froides, métiers dangereux, …). Il s’agit surtout d’inviter l’humanité à se réaliser pleinement en tant qu’être humain, partie intégrante de la création, car « même Dieu a les pieds nus, on a inventé les sandales après » – Césaria Evora.