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| Fleur d'esprit et plante de pieds | |
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+6AlainHY André Uhres FAB henriDS françois Tchey 10 participants | |
Auteur | Message |
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Tchey Pied souple
Age : 44 Sexe : Pratique du barefooting : - marche / randonnée
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| Sujet: Fleur d'esprit et plante de pieds Jeu 02 Mai 2013, 20:14 | |
| Je me perds un peu dans ce forum, avec le sentiment que quelques sections font double usage ou doublon. Dans l'autre sujet ( [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] ), je vais plutôt répondre et discuter "normalement", et ici, je vais plutôt récrire mes interventions sous forme de témoignage et m'appliquer à la rédaction, si cela convient. - Fleur d'esprit et plante de pieds.- Semaine première : premiers pas et sentiers inondés.- Semaine deuxième : découverte de la ville.- Semaine troisième : sur le chemin de la route.- Semaine quatrième : déroute et des doutes.- Semaine cinquième : discipline et disciple.- Chronique sixième : la vie est un long fleuve en crue.- Chronique septième : mythes et limites. - Chronique huitième : des pattes carbonara.- ...
Dernière édition par Tchey le Dim 22 Sep 2013, 11:27, édité 7 fois (Raison : Chronique huitième) | |
| | | Tchey Pied souple
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| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Jeu 02 Mai 2013, 20:15 | |
| Fleur d'esprit et plante de pieds.Dans mon enfance, je vais souvent explorer les collines de la Provence où je grandi. Toujours enfermé dans de lourdes chaussures de randonnées, j'ai le sentiment de porter une sorte d'armure qui me protège. A l'adolescence, je randonne avec des amis, des sorties de plusieurs jours sur les sentiers des Alpes, pendant quelques années. Pendant ce temps, le gros orteil de chaque pied commence a se déplacer, formant un "hallus valgus congénital bilatéral", ou plus simplement, un cousin d'oignon. Mes gènes me prédisposent à cette malformation, et le port des chaussures n'aide pas : mes doigts de pieds n'ont pas le choix que d'aller se superposer, et le pouce se sacrifie en tournant vers l'intérieur. Le chirurgien plaisante : c'est une maladie de grand mère, et je suis un jeune homme de 20 ans lorsque je me fais opérer : j'aurais fini par marcher sur mes pouces et les écraser définitivement. Plusieurs mois plus tard, je peux à nouveau me déplacer sans béquille, et reprendre mon activité favorite : marcher. C'est une habitude. Je ne prends pas les ascenseurs, mais les escaliers. Je ne prends pas la voiture pour aller acheter du pain. Je vais même faire mes courses avec un gros sac à dos dans lequel j'entasse les bouteilles de lait, boites de conserve et paquets de pâtes. Quand je dois utiliser les escaliers automatiques faute d'alternative, j'avance, et me demande pourquoi tout le monde reste planté à attendre d'arriver en haut. Pourquoi ? Une probable conscience de mon corps, de mon être, de ma nature animale, un sentiment que nos civilisations sont perverties, et que notre sagesse est très loin d'atteindre notre intelligence. Ces idées ont grandi en moi depuis l'enfance, où j'ai eu la chance d'avoir des parents qui préféraient nous offrir le monde lors de voyages en camping-car "sauvage", plutôt que des scooters ou des fringues hors de prix. J'ai contracté une maladie incurable : le virus du voyage. Pendant dix ans, les symptômes sont légers : l'envie de déménager tous les deux ou trois ans me fait traverser la France jusqu'au Finistère, en passant par le Gard, les Pays de la Loire ou encore la Lozère. Quelques poussées de fièvre me mènent plusieurs semaines en Ecosse ou en Belgique, et sur de nombreux sentiers de randonnées en France. Le virus s'avère être une fleur d'esprit qui déploie ses pétales et pollinise tout mon être, jusqu'à ce que je quitte emploi, logement et amis, et donne tous mes biens matériels, pour ne conserver que quelques papiers, un carton de broutilles, et des affaires de randonnées. J'étais prêt : j'allais errer sur la Terre, en vagabond libre, conscient et éveillé. En juillet 2012, je pars à pieds de la maison de mon enfance, et traverse le pays. Huit semaines plus tard, après avoir suivi l'Allier et la Loire, j'arrive à l'océan Atlantique, puis direction Paris, puis la Belgique. De là, je récupère une bicyclette qui me porte jusqu'au Danemark. L'hiver arrive, et c'est en pouce et en transport en commun que j'avance vers le nord en longeant les côtes norvégiennes pour bénéficier des températures du Gulf Stream. Le cercle polaire, puis la Laponie, et me voici dans le grand nord. Où aller ensuite ? Au sud ? Je traverse rapidement la Finlande, pour me retrouver en Estonie, dans l'idée de rejoindre en Allemagne la source du Danube, et suivre le grand fleuve jusqu'à la Mer Noire, 3000 km à l'est. Pendant ces neuf mois, une petite graine pousse dans un coin de mon esprit. Après chaque journée de marche, c'est un plaisir de retirer les chaussures. Lorsqu'il pleut, ou que je transpire, ou que je traverse des zones marécageuses ou encore marche dans 80cm de neige, mes pieds restent bloqués dans deux cercueils, qui les protègent peut-être des agressions extérieures, et en même temps les assassinent de l'intérieur. Les chaussettes sentent mauvais, les pieds aussi. La peau est fripée, et quelques fois, cloques et champignons arrivent à se développer. Dans les neiges norvégiennes, je commence à marcher pieds nus. Par des températures de -15C la neige est dure et abrasive, le froid est presque douloureux, et pourtant, je ressens une forme de plaisir : chaque pas, mon pied me transmet de nouvelles sensations, et se nettoie de lui-même. Les cloques se referment, les champignons abandonnent. Cependant, il fait trop froid, et je ne tiens pas à laisser un orteil aux morsures de la glace. Je patiente donc, retirant de plus en plus souvent mes chaussures, jusqu'à arriver en Estonie. La neige est encore présente, mais le printemps martèle le temps. L'alternance de soleil et de pluie transforme la neige et laisse les sentiers inondés. Mes chaussures ne sont plus que de lourdes éponges dans lesquelles mes pieds fermentent délicatement. Les conditions sont idéales : mes chaussures, compagnes hivernales en partie rongées par la glace et râpées par les chemins parcourus, terminent d'être mes compagnes. Je m'équipe de nouvelles chausses, légères, fines, bon marché, et entreprends de marcher pieds nus aussi souvent que possible, afin de soigner mes pieds, et de retrouver ses délicieuses sensations à peine ébauchées dans le grand nord, quelques semaines plus tôt. Cependant, je doute. Est-ce réellement une bonne idée ? Mes pieds, même si je suis un "grand marcheur", peuvent-ils rester ainsi, d'autant plus que des cicatrices les décorent depuis plus de dix ans, et qu'ils vivent chaussés depuis plus de trente années !? Si je vais le découvrir par moi-même, je cherche également des informations sur internet lorsqu'en ai l'occasion, et découvre le forum [Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien] où des "barefooters" (marcheurs pieds nus, en anglais) partagent leurs expériences dans ce domaine. // Semaine première : premiers pas et sentiers inondés.Les 20 premières minutes de chaque "séance" sont chaque fois étranges pour l'instant, comme si je saturais mon pieds d'information, puis ça se calme. J'arrive rapidement à marcher deux heures sur un chemin à moitié glacé et mouillé, sans que mes pieds ne soient blessés ou ne montrent un quelconque signe de mécontentement, bien au contraire ! Ils ne mijotent plus dans le jus de chaussettes, pas d'ampoule, pas d'odeur, et un massage gratuit à volonté, il suffit juste de marcher. Le mauvais côté est que je porte mon attention sur le sol afin d'esquiver les gravillons et trucs qui coupent, plutôt que sur le paysage, mais ça vient petit à petit. Sur la glace je remets quand même les chaussures. Au delà de l'expérience la première fois (deux heures tout de même), la glace croque la peau et en plus, c'est froid. Je ne peux pas marcher sur les routes goudronnées avec des gravillons, trop inconfortable. Peut-être plus tard quand mes pieds seront plus solide. J'évite aussi la ville, je trouve le sol très crade, et ne me sens pas encore en confiance. Les chemins de terre et les forêts sont très agréables. Cependant, j'ai évolué dans un milieu inondé, avec de nombreux passages que j'estimais dangereux pieds nus. L'Estonie en cette période est soumise à la fonte des neiges et à la pluie, et les sentiers sont recouverts d'eau, parfois jusqu'aux cuisses, en moyenne au dessus des chevilles, sous la neige et la glace flottante. Globalement, après une petite semaine, je dois faire 1/4 nus pieds, le reste chaussé, ce qui fait environ deux heures de marche par jour. J'ai tendance à entamer par le talon, mais en me concentrant un peu, je parviens à marcher à plat ou à entamer par la pointe. Je trouve qu'ainsi le pied se déroule moins bien par contre, qu'il y a moins de propulsion qu'en faisant toute la boucle talon/pointe. Je marche plus lentement, pour cette histoire de propulsion, et parce que mon attention est portée sur là où je pose mes pieds. Plus petits pas, plus sûrs. Aussi, je sens mes muscles se nouer d'une autre manière, il me faut les former eux aussi. A part ça, pas de douleur particulière, genoux, dos, chevilles ou autre. // Semaine deuxième : découverte de la ville.Parnu, en Estonie. Température en journée entre 5C et 15C, pluie et soleil. Trottoirs, rues pavés, bitume sale et propre, graviers, cailloux, herbes et mousses dans les parcs, sable sur la plage, chemins de terre... Un peu tout y passe. Si au départ j'envisageais d'alterner chaussés/nus, j'ai rapidement laissé tomber. Les rares passages où je voulais me chausser, je les ai esquiver en trouvant d'autres passages. Mes pieds ne présentent aucune blessure ou douleur. Enfin, c'est mentir : j'ai deux ampoules sèches et une blessure qui cicatrise entre les petits doigts du pied droit, que je tiens de mes journées passées à patauger dans les zones inondées du sentier sur lequel j'étais, chaussé. Le plus lourd, c'est clairement le regard des autres. Je m'y habitue rapidement, j'ai déjà une tête "visible" : barbe longue et cheveux longs. Sauf que maintenant, je vois les yeux des passants faire une pause sur les pieds, là où avant, le regard ne faisait que me balayer. Les deux premiers jours en ville, je remettais les chaussures (que j'avais dans mon sac) pour entrer dans les magasins, et puis je me suis dit merde, je ne me rase pas avant d'entrer, pourquoi je devrais me chausser ? C'est comme un tatouage ou un piercing ou tout autre "maléfice" visible. Si on le porte naturellement, sans chercher à l'exposer, comme on porte un nez ou des bras, l'aura que l'on dégage est bien plus sereine aux yeux des autres, qui ne se sentent alors pas agressés. La curiosité des badauds est éveillée, simplement, et est-ce un mal ? Une anecdote : Quelqu'un me remarque, et contacte la Croix Rouge : un homme barbu, pieds nus, est certainement un pauvre bonhomme dans le besoin ! Hors, je suis hébergé là pour quelques jours. Au départ je cherchais juste un lieu pour faire une lessive et prendre une douche. Il n'y a personne et j'ai sympathisé avec l'hotesse d'accueil. Même si c'était pas le Croix Rouge je pourrais rester. Donc, le témoin visuel en apprend plus sur moi, et il connait du monde. De fil en aiguille, mon histoire arrive aux oreilles d'un journaliste. Résultat, je termine dans le journal local, avec une photo "de plein pieds", et un article qui rapporte un peu mon aventure. Les pieds nus ont été évoqué, mais seulement rapidement au détour de quelques mots. Ils apparaissent très clairement sur la photographie, où le journaliste a fait en sorte de les mettre en avant. Il me reste encore beaucoup de chemin à parcourir, une musculature à refaire, des habitudes à adopter, un corps à ré-apprivoiser. D'un point de vue "connaissance personnelle", c'est passionnant ! Ce que j'en dis là de suite, de ma maigre expérience, en une phrase ? Marcher pieds nus, c'est facile : il suffit de retirer les chaussures et de continuer à avancer. //
Dernière édition par Tchey le Jeu 02 Mai 2013, 20:19, édité 3 fois (Raison : typo) | |
| | | françois le Fakir de Provence Modérateur
Age : 74 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 05/09/2012 Nombre de messages : 12484
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Ven 03 Mai 2013, 07:50 | |
| Voila, comme ça c'est nickel! Ton passé chirurgical ajoute une difficulté supplémentaire dans ta progression, il n'y a pas besoin de ça! Une raison de plus pour ne pas forcer la bête et pour être patient. Il faut savoir que chez moi (et certains randonneurs) marcher pieds nus est une raison de marcher, c'est à dire que nous ne marcherions pas si ce n'était pieds nus. A ceux qui s'étonnent ou qui ont du mal à comprendre, je leur réponds:"C'est comme un nageur qui veut faire le tour du lac par plaisir et à qui on répondrait de le faire plutôt en barque, c'est plus commode". Ca marche aussi avec les cyclistes et les voitures! | |
| | | henriDS Pied souple
Age : 70 Sexe : Inscrit(e) le : 16/01/2010 Nombre de messages : 172
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Ven 03 Mai 2013, 08:05 | |
| De la belle prose! Ton expérience va encourager les frileux. Comme le-RIB t'a encouragé. Henri | |
| | | FAB le Schtroumpf à lunettes Administrateur
Age : 59 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 01/10/2007 Nombre de messages : 20190
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Ven 03 Mai 2013, 08:16 | |
| Merci beaucoup beaucoup pour ton témoignage Tchey Et comme il est très joliment écrit, le plaisir est double [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] _________________________________________________ sans schtroumpf, la schtroumpf est plus schtroumpf
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| | | André Uhres Pied élite
Age : 71 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 20/07/2010 Nombre de messages : 2695
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Ven 03 Mai 2013, 08:59 | |
| J'ai lu également avec grand plaisir ton récit, il me plait beaucoup.
Peut-être je le traduirais pour le mettre sur les forums pieds nus allemands (hobby-barfuss-forum.de et hobby-barfuss-renaissance-forum.de).
Si tu es d'accord bien sûr.
André | |
| | | AlainHY le Yogi des neiges
Age : 56 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 26/12/2009 Nombre de messages : 3008
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Ven 03 Mai 2013, 14:01 | |
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| | | Tchey Pied souple
Age : 44 Sexe : Pratique du barefooting : - marche / randonnée
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Inscrit(e) le : 08/04/2013 Nombre de messages : 154
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Sam 11 Mai 2013, 09:17 | |
| Semaine troisième : sur le chemin de la route.
Graviers, cailloux coupants, éclats de verre, capsules de bouteilles, débris divers : alors que je lève le pouce pour parcourir les 2000 km qui me séparent du Danube, l'état des bords de route me propulse dans mes chausses. La pluie entre aussi dans la ronde, et à marcher des dizaines de kilomètres pour traverser les villes et trouver un lieu propice à l'auto-stop, je me blesse les pieds. Le dessus des petits doigts est littéralement brûlé par les frottements humides, alors qu'ils sont enfermés dans des chaussures bas de gamme qu'ils ne connaissent pas bien. Lorsque je sens le sol amical, je libère tous ces petits cuticules insouciants, et le sol est rarement amical ces jours-ci.
Marcher en ville est réellement simple, en comparaison. L'important me semble être la régularité du chemin, plutôt que sa texture. Hors, les trottoirs sont souvent réguliers, malgré quelques obstacles, déformations et pièges. Qu'ils soient de pavés, de goudron, de terre, ou de tout autre revêtement, les vie-nu-pieds citadins me semble en fait mieux lotis que ceux qui vont sur les bords de routes.
Les sols naturels, sentiers de terre, mousses des forêts, sables des mers, sont parfaits. Je ne ressens pratiquement aucune fatigue ou douleur, même après deux, trois, quatre heures à mettre un pied devant l'autre. Les sensations sont variées et agréables, les différences sont très nettement perceptibles, et les écarts de température d'un sol à l'autre pour un temps similaire sont un régal.
J'apprends aussi à placer mon regard. Si pour mes premiers pas je regardais mes pieds, j'ai rapidement entrepris d'anticiper d'un pas, puis de deux. Le corps se tient mieux, le paysage s'affiche plus facilement dans le champs visuel, et la proprioception fait un bond en avant. Sans parler de sixième sens (je trouve ce terme très fourre-tout), il est clair que le corps ne se limite pas aux cinq sens traditionnellement admis. Le simple fait de tenir debout est un exploit bien plus impressionnant que ne l'est la vue : on sait fabriquer des caméra plus sensibles que les yeux, et l'on ne sait pas encore fabriquer un robot capable d'imiter la marche humaine convenablement.
J'ai assez hâte d'en finir avec cette période de "voyage grande distance" pour reprendre un rythme plus naturel, et reprendre l'expérience d'une vie nu-pieds. | |
| | | jl02 Pied élite
Age : 53 Sexe : Inscrit(e) le : 08/05/2013 Nombre de messages : 943
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Sam 11 Mai 2013, 10:37 | |
| Dis donc, quelle aventure ! C'est chouette de la partager. Il y a longtemps j'étais parti seul dans les pyrénées pour une rando de 15 jours, mais hélas mes chaussures (presque) neuves m'ont causé des ampoules dès le premier jour... Ce qui finalement aurait du gâcher mon séjour l'a complètement transformé car j'étais finalement libre, de rester par exemple quelques jours avec des gens que j'avais rencontré, où d'accompagner un photographe que j'avais croisé. J'ai gardé un souvenir très marquant de cette liberté totale, de ne pas savoir à l'avance où l'on va, vers qui on va. Tu as du connaître ça, mais dans des proportions sans commune mesure ! Finalement, j'aurais simplement du enlever mes chaussures à ce moment là....... | |
| | | françois le Fakir de Provence Modérateur
Age : 74 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 05/09/2012 Nombre de messages : 12484
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Sam 11 Mai 2013, 12:41 | |
| Ah les bords de routes! Rien de plus traître que les accotements qui récupèrent toutes les saloperies éjectées des voitures: Bouteilles, pots de yaourt, peaux de bananes... Je ne m'y aventure que lorsqu'ils ne sont pas herbus et encore, méfiance. Tu es en train de récupérer tous les petits ennuis en condensé du gars qui n'a pas encore le pied suffisamment tanné. Etant donné ton âge et ta méthode accélérée, tu vas vite te trouver avec des pieds de conducteur de pousse-pousse malgache. Tu as remarqué comme les yeux et les pieds fonctionnent bien ensemble! C'est une succession d'un tas de petites révélations qui font le bonheur de marcher pieds nus. Bonne route! Tu ne nous as pas dit où tu étais rendu... | |
| | | AlainHY le Yogi des neiges
Age : 56 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 26/12/2009 Nombre de messages : 3008
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Dim 12 Mai 2013, 17:59 | |
| Encore un vrai régal de lecture. Merci Tchey. | |
| | | FAB le Schtroumpf à lunettes Administrateur
Age : 59 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 01/10/2007 Nombre de messages : 20190
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Lun 13 Mai 2013, 08:04 | |
| +1 - Merci Bravo Tchey et bonne route l'ami [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] _________________________________________________ sans schtroumpf, la schtroumpf est plus schtroumpf
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| | | manu79 l'Homme aux semelles de vent Modérateur
Age : 45 Sexe : Inscrit(e) le : 30/04/2010 Nombre de messages : 2371
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mar 14 Mai 2013, 22:53 | |
| Merci pour ce superbe journal de bord Tchey.
Une fois compilé après plusieurs mois, ce témoignage sera j'en suis sûr très utile aux futurs viveurs pieds nus ! | |
| | | Tchey Pied souple
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Inscrit(e) le : 08/04/2013 Nombre de messages : 154
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mar 21 Mai 2013, 18:27 | |
| Merci, vos commentaires m'encouragent à continuer le "récit".
Semaine quatrième : déroute et des doutes.
C'est chaussé que je vois le départ culturel du Danube, et chaussé encore que je remonte jusqu'à la source géographique, 43 km en amont de la rivière Brigach. Si mes intentions sont de marcher aussi souvent que possible pieds nus, la nature du sol me renvoie une grande claque d'humilité. Bonhomme, tu iras pieds-nus, mais tu iras lentement, qu'elle me murmure en mordant mes mignons ! Après tout, marcher pieds nus n'est-il pas un symbole de l'Homme humble ?
Mon idée initiale à propos des sols urbains tend à se confirmer : il m'est très facile de me déplacer sur les trottoirs, passages à piétons et une partie des pistes cyclables. C'est facile, mais c'est aussi, et surtout, agréable. Les revêtements lisses et tièdes ne blessent ni ne fatiguent mon pied, qui en redemande. Les voies aménagées pour les bicyclettes sont souvent tout à fait acceptable également, en ville ou en approche des villes et villages. Restent quelques passages que je n'aime pas, comme lorsque des graviers sont éparpillés sur le trottoir, souvent aux entrées de garages ou parking.
Le Danube allemand, de ce que j'ai vu pour l'instant, est particulièrement bien adapté aux pédaleurs et promeneurs, avec des nombreux fléchages et itinéraires annexes menant vers des ruines, grottes, points de vue, lieux historiques, etc. Cependant, il semble y avoir eu une promotion infernale sur les graviers et le bitume granuleux ! Marcher sur un tel sol est non seulement désagréable, mais aussi rapidement douloureux car très abrasif. Pour la science, pour satisfaire ma curiosité sur mes perceptions pédestres, et pour avoir une expérience complète, je m'efforce, dans la douleur relative, de progresser malgré tout. Pendant 15 kilomètres, j'y laisse ma peau. Uniquement celle des pieds, certes. C'est donc les pieds meurtris, apeurés, blottis, recroquevillés, au fond des chaussettes et des chaussures, que je continue au bord du futur fleuve.
Le doute s'installe. Les premiers jours, je sors à peine les orteils de leurs étuis. Mes chaussures de piètre qualité me font mal, et pieds nus, c'est du domaine de la mutilation volontaire. Puis, alors que la Danube s'élargit, sort des montagnes et collines, quitte la roche des gorges pour bercer les plaines et les champs, les chemins changent également. Les routes défoncées par les tracteurs cèdent la place au profit de routes seulement abîmées par les tracteurs. Ce n'est pas encore l'idéal, mais "ça passe".
Je pense changer mes chaussures d'ici quelques jours. Elles sont déjà bien amochées, ce qui leur donne une espérance de vie d'à peine 250 bornes au total. Ceci dit, le prix au kilomètre est correct : avec des grosses pompes à 100 euros, je fais difficilement 1000 kilomètres. Surtout, je trouve pénible de les mettre et retirer, au point où, alors que parfois le sol est compatible avec mes petits petons, je reste chaussé. Une paire de sandales avec une tenue du talon me paraît plus intéressante, je dois tester. En chaussures, je peux marcher sans difficulté autour de 25 km par jour (je prends le temps de visiter, discuter avec les gens qui discutent, regarder les drôles de bestioles qui courent par terre, et je peux rester planter plusieurs minutes à suivre des yeux un rapace voler au dessus d'un champ...). Il peux m'arriver de faire 30 voire 40, mais j'aime pas. Le premier jour danubien je parcours environ 12 km nus (et autant chaussé), sans réel plaisir, vraiment pour l'expérience. Ensuite, entre deux et cinq bornes pendant trois jours, puis je pousse jusqu'à la dizaine, selon les sols rencontrés. Je ne cherche pas à aller vite, je constate seulement. C'est parfois génant, quand je "dois" avancer jusqu'au prochain point d'eau par exemple : pieds nus, c'est plus lent.
Je vois aussi une nette progression par rapport à la première semaine : j'entame le pas de l'avant-pieds et non plus du talon, et je peux aller plus vite. Je ressens une légère douleur dans le pied. Pas tellement sur la plante, mais "dedans" : des muscles qui poussent, des articulations qui se replacent. J'y suis très attentif, pas envie de casser une machine déjà dans un état peu engageant.
Quelques rencontres amusées et amusantes aussi. Les adolescents me regardent en coin. Parfois ils rient, puis quand ils voient que j'en ai rien à faire, ils arrêtent de rire et se contentent de regarder, puis de saluer poliment. Des p'tits vieux s'exclament, des "ho", des "ha", sans autre commentaire. Rencontre notable aussi, un troupeau de femmes que je croise deux fois. La première dans un village, elles discutent en anglais autour d'une statue de pèlerin et font des remarques sur la simplicité vestimentaire, pas de gros sac, un baton, une tunique, une pochette, et en route. Elles mes voient, et j'entends, pas à mon attention : "oh look, he is barefoot". Le même troupeau le lendemain, je sors d'un chemin de forêt alors qu'elles y entrent. Cette fois, elles m'arrêtent, me saluent et me disent que rencontrer deux fois quelqu'un, c'est une invitation à boire un coup. J'dis ok, rendez-vous au bar, tout en sachant qu'on ira nulle part : on se croise juste. Aucune remarque sur les pieds, jusqu'à ce que l'on se souhaite bonne route. L'une d'elles me demande de voir "dessous", et sort un "but, how can you do it ?", comment vous faites ? Je hausse les épaules "i only took off my shoes", j'ai seulement retiré mes chaussures. | |
| | | françois le Fakir de Provence Modérateur
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| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mar 21 Mai 2013, 21:27 | |
| Voila une réponse acceptable à la question que je posais sur l'autre post du jour (Youtube). Tu as donc bougé. Une autre réponse acceptable à la question "suis-je minable? trop vieux?pas assez ceci? trop cela?" quand je jette un regard sur ma progression à moi. An bout d'un an, ma limite raisonnable est d'environ 15 ou 20 bornes sur les chemins auvergnats et 10 à 12 sur les provençaux, voire moins selon la température ou l'âge du capitaine. Ces limites sont celles qui me permettent de repartir le lendemain pour un parcours modéré. Si je dépasse ces limites, ce sera un peu trop bobo donc on se calme. Je suppose et j'espère que la belle persévérance dont je fais preuve me permettra d'augmenter ces valeurs... Après reste que je n'ai plus vingt ans et que je ne suis pas un très bon marcheur en tout état de cause. Me voila donc rassuré par tes humbles doutes et je te renvoie le message: Va doucement!
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| | | jl02 Pied élite
Age : 53 Sexe : Inscrit(e) le : 08/05/2013 Nombre de messages : 943
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mar 21 Mai 2013, 21:44 | |
| Finalement, d'une manière ou d'une autre on est tous à jouer avec les limites de nos petons (ou du reste parce qu'ils ne marchent ou ne courent pas tout seuls). Ça a un côté rassurant en effet de ne pas se sentir seul à ruser avec ses pieds ! Pareil pour les réactions des gens : des pratiques très différentes.... des réactions similaires. C'est pas pour rien qu'il y a un RIB pour tout ce monde Bonne continuation Tchey, surtout continue de raconter ! | |
| | | FAB le Schtroumpf à lunettes Administrateur
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| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mer 22 Mai 2013, 08:00 | |
| Merci beaucoup pour cet épisode 4 Tchey Ca fait du bien de partager tes aventures et de lire ta prose, aucun doute la dessus, tu sais écrire [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] _________________________________________________ sans schtroumpf, la schtroumpf est plus schtroumpf
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| | | AlainHY le Yogi des neiges
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| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Ven 24 Mai 2013, 19:17 | |
| Rien à ajouter à vos remarques. Merci Tchey, c'est très humble et instructif. | |
| | | Tchey Pied souple
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| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mer 29 Mai 2013, 18:36 | |
| Semaine cinquième : discipline et disciple.
La lenteur s'installe et prend ses aises tandis que mon pas devient plus régulier. Quelques sols autrefois douloureux sont maintenant seulement désagréables, et je continue à découvrir de nouvelles sensations sur de nouveaux sols. Je peux ainsi marcher plus longtemps sur le goudron, et les rues pavés irrégulièrement des nombreux villages que je traverse me chatouille les dessous.
La peau est sensiblement plus dure au toucher, tout en étant encore bien fragile à mon goût. J'ai eu ma première blessure, mineure mais sanglante : un minuscule morceau de verre que je n'ai pas vu, et me voilà laissant mon sang sur la chaussé sur une dizaine de mètres. Quelques gouttes à peine, une douleur très discrète, mais suffisante pour s'en souvenir, et redoubler de vigilance.
J'ai changé de chaussures. Les autres auront eu une longévité inférieure à 250 km marchés, pour environ 30 euros. Ce n'est pas si mal si l'on considère que des grosses de randonnée à 100 euros me tenaient à peine 800 bornes. J'ai fait toutes les boutiques que j'ai vu sur ma route, me demandant ce qui serait intéressant. La sandale fine avec une tenue de talon avait bonne place dans mon esprit Finalement, c'est au rayon sport aquatique d'une grande enseigne que j'ai trouvé ce qui semble me convenir : des "chaussons de mer". La semelle est complètement souple et accroche bien le sol. Les chaussons sont faciles et rapides à mettre et enlever, et sont très légers et compacts, parfait pour se caler dans mon sac. Je ne pense pas faire beaucoup de distance avec cette paire avant qu'elle ne se déchire, mais elle coute 16 euros, et je ne les mets que sur de courtes distances, lors des passages que je ne peux pas aborder pieds nus.
J'ai rencontré un jeune homme de 19 ans avec qui j'ai rapidement sympathisé. Lorsqu'il m'a vu pieds nus, il m'a dit qu'il marchait souvent ainsi chez lui quand il était enfant, mais pas en ville ou en public, "mais un jour, pourquoi pas". Je lui ai suggéré que ce jour pouvait être aujourd'hui. La minute suivante, il tenait ses chaussures à la main alors que nous visitions la ville de Ulm. A cet instant, j'ai constaté, comme si je voyais mon reflet dans un miroir pour la première fois, que mes pieds étaient bronzés à côté des siens très blancs !
Je ne donne aucun soin particulier à mes pieds, pas de brosse, massage, pommade, crème, lavage spéciaux, rien. A l'occasion, je les frotte vigoureusement avec mon gant de toilette humide, histoire de retirer la couche de crasse qui s'accule rapidement en ville, mais autrement, ils sont globalement propre lorsque je marche "à la campagne", même sur des pistes goudronnées le long du Danube. Quelques pas dans un champs ou un près font aussi bien l'affaire pour se nettoyer.
J'ai pris du volume. Légèrement, mais sensiblement. Après plusieurs examens au fil des jours, je peux m'assurer que tout va bien : les pieds ne gonflent pas, ils sont seulement plus musclés ! J'aime marcher, car cela permet de ressentir chaque pas, d'être traversé pleinement par l'environnement dans lequel on évolue (physique, spirituel, paysagé, humain, etc), d'avancer naturellement lentement. Sans les chaussures, je progresse encore moins vite, moins de 25 km par jour environ, dont une quinzaine nus. Doucement, au fil des semaines, la proportion de temps passé nu et chaussé s'inverse. Marcher pieds nus, c'est une éloge à la lenteur. Marcher pieds nus, c'est une éloge à la vie. | |
| | | AlainHY le Yogi des neiges
Age : 56 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 26/12/2009 Nombre de messages : 3008
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mer 29 Mai 2013, 21:17 | |
| Quel plaisir de lire ces lignes alors que nous subissons une météo excécrable depuis maintenant... Tiens, c'est quand les derniers bon rayons de soleil dépassant 48 heures? | |
| | | françois le Fakir de Provence Modérateur
Age : 74 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 05/09/2012 Nombre de messages : 12484
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mer 29 Mai 2013, 21:38 | |
| L'avantage du pied nu est que plus on marche et moins il s'use, contrairement à la godasse. C'est tout bénèf! Merci pour ces lignes instructives qui font rêver. | |
| | | jl02 Pied élite
Age : 53 Sexe : Inscrit(e) le : 08/05/2013 Nombre de messages : 943
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mer 29 Mai 2013, 22:37 | |
| Merci Tchey de continuer à nous faire profiter de ton expérience et de tes textes. J'ai eu aussi l'impression que mes pieds étaient gonflés à un moment, et comme toi, je me suis aperçu que c'était simplement leur morphologie qui changeait progressivement. Ils s'adaptent, lentement comme tu le dis si bien... | |
| | | FAB le Schtroumpf à lunettes Administrateur
Age : 59 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 01/10/2007 Nombre de messages : 20190
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Jeu 30 Mai 2013, 07:09 | |
| En effet, c'est génial de pouvoir vivre ton expérience par procuration Tchey. J'espère que le beau temps ne laissera pas place à la grosse chaleur parce que dans l'Est, quand ça tape, ça tape et tu devrais y être en plein au coeur de l'été. Ceci étant, les jours rallongent et tu devrais pouvoir adapter la marche aux heures les moins chaudes. Et si tu croises une église, merci de faire un voeu pour nous autres, qui comme le souligne a juste titre Alain, ne voyons quasiment plus le soleil ... _________________________________________________ sans schtroumpf, la schtroumpf est plus schtroumpf
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| | | FAB le Schtroumpf à lunettes Administrateur
Age : 59 Sexe : Pratique du barefooting : Inscrit(e) le : 01/10/2007 Nombre de messages : 20190
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Mer 12 Juin 2013, 07:48 | |
| Une grosse pensée et un kdo pour Tchey [Vous devez être inscrit et connecté pour voir cette image] Le pauvre, il n'est probablement pas au bon endroit au bon moment ... Courage à lui _________________________________________________ sans schtroumpf, la schtroumpf est plus schtroumpf
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| | | Tchey Pied souple
Age : 44 Sexe : Pratique du barefooting : - marche / randonnée
- course / trail
- autres activités
Inscrit(e) le : 08/04/2013 Nombre de messages : 154
| Sujet: Re: Fleur d'esprit et plante de pieds Jeu 13 Juin 2013, 21:06 | |
| Je ne peux pas assurer un texte par semaine, car mes connexions internet sont aléatoires, et plus j'avance, moins j'ai à dire ! Les choses se mettent en places. Changement de titre, pour la forme... Voici donc une "chronique", na.
Aussi, nul besoin de canard ou de bouée (merci tout de même, hihi) : je ne focalise pas sur un chemin spécifique. Si l'eau monte, je monte aussi, je dévie, je détourne, j'adapte.
Chronique sixième : la vie est un long fleuve en crue.
Mes souliers mous du rayon "sports aquatiques" auraient pu me servir, au vu des inondations qui ont eu lieu dans la région où je me trouve, et surtout plus à l'Est. Il n'en est rien. En fait, j'ai fait un mauvais choix. Ces chaussons sont parfaits pour "remplacer" des pieds nus : semelle très fine et totalement molle, légèreté, c'est pratiquement comme marcher pieds nus. Ce qui est un résonnement bancal de ma part : je marche pieds nus, pas besoin de chaussures pour faire comme si.
Le long du Danube, les chemins sont variés : piste cyclable en bitume bien lisse, chemin forestier aux gros cailloux coupants, sentier d'herbes fraiches, route mal entretenue... Je pensais utiliser les chaussons sur de courtes distances, hors parfois, je fais face à un chemin "impossible" pieds nus pendant plusieurs kilomètres... et aussi difficile en chausson. La semelle trop fine n'assure aucune protection, et je termine quelques étapes au ralenti et en souffrance. Je mets même un moment du papier et du carton pour renforcer la semelle, en vain. Autre soucis : une puanteur tenace, qui va jusqu'à me déranger grandement ! Rien à faire, je passe les chaussons dans l'eau, je les sèche au soleil, les frotte... Ils sentent comme j'ai jamais senti des chaussures !
Je passe par la première boutique que je croise pour m'offrir une paire de sandales, ma première idée avant de prendre les chaussons. Pieds à l'air, semelle épaisse. Je doute, fais les premiers pas : bien, très bien ! Sauf une grosse douleur au pied gauche et un frottement qui me fait un trou blanc dans la peau, au niveau du petit orteil. Je fais avec, je bricole la sandale pour limiter le frottement, et j'avance.
Avancer, c'est ce qui me frustre dans la marche pieds nus. Avec les sandales, je parcours 25-30km dans la journée tout en prenant le temps de visiter, regarder, glander... Pieds nus, la moitié. Si j'ai le temps, je n'ai pas l'éternité. Marcher est déjà un mode de déplacement lent, mais là, je traine, et je n'ai pas les moyens de doubler mon temps de mouvement : ça coute deux fois plus chers (puisque je mange deux jours au lieu d'un seul pour une même distance), et à ce rythme, je ne serais pas à la Mer Noire, ni nulle part, avant longtemps. Hors, marcher c'est sympa, mais sans le sentiment de progression, ça peut devenir bien chiant aussi, surtout quand on longe un fleuve : les paysages sont peu variés et les reliefs très discrets. Je reste donc en sandale pendant quelques jours, et suis satisfait de l'expérience, à part la douleur au pied gauche (différente de celle du trou blanc...), d'origine indéfinie pour l'instant. J'ai mal "dedans". Je soupçonne mon anatomie génétiquement dérangée de faire une petite crise identitaire. Je fais attention, ralenti, marche plus vite moins longtemps, plus lentement plus longtemps, etc, rien à faire. J'ai mal, mais j'avance.
La digue sur laquelle je marche souvent est généralement faite d'un sol dur et pierreux, douloureux même en chaussures. Mais parfois, le terrain est parfait. Une longue bande d'herbes courtes, légèrement humide, propre, avec un amortie idéal. Les sandales à la main ou pendues au sac, j'avance facilement et agréablement sur plusieurs kilomètres. Je trouve un rythme, et en ayant les "bonnes chaussures", semble-t-il, je peux faire mes 30 bornes tout en marchant régulièrement pieds nus. Avec un sol plus clément (comme ces bandes d'herbe et de terre souple, qui me ravissent), je me sens capable de faire la distance pieds nus. Hélas, le sol est souvent dur et "impossible" à mon niveau : une sorte de béton plus ou moins naturel, avec des pierres incrustées, aux arêtes sadiques.
La vie nu-pieds, c'est comme le fleuve en crue que je longe vaguement. Les rives sont indéfinies, le courant variable, des bonnes idées tombent à l'eau comme des arbres déracinés, des terrains se dévoilent sous un autre aspect, et pourtant, les gouttes s'ajoutent aux gouttes pour former ce flux implacable. L'eau continue de couler, encore et encore, et aucun barrage, aucune digue, ne semble capable d'arrêter son grand voyage. | |
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